À l’occasion de la journée mondiale de la contraception célébrée le 26 septembre de chaque année, Mamie Alphonse Kasay, directrice du département de formation et éducation( Head of Training & Education) de DKT, une ONG active en santé reproductive, est revenue sur l’importance des méthodes contraceptives dans les couples lors d’une interview accordée à Moseka.info. si dessous l’intégralité de son entretien.
Etant marié, est-il important de faire recours à la méthode contraceptive ?
Mamie Alphonse Kasay: Oui, les mariées sont susceptibles de tomber enceinte du fait des relations sexuelles non protégés quasi-permanentes dans le couple. Ce qui les exposent au risque de grossesses souvent non désirées qu’ils peuvent éviter grâce à la contraception.
Également, la méthode contraceptive offre tout un éventail d’avantages potentiels en dehors de la santé grâce à l’espacement de naissance. On peut citer par exemple l’éducation et d’autonomisation des femmes entrainant une croissance démographique durable et le développement économique des pays.
Certains couples préfèrent la méthode naturelle, par crainte des effets secondaires et néfastes liés à usage de la méthode contraceptive. Quel est votre avis ?
Mamie Alphonse K La méthode naturelle est aussi efficace que la méthode artificielle bien que ce dernier soit le mieux adapté que le premier.
Le manque d’informations pourrait être à la base de la crainte des effets secondaires en ce qui concerne les méthodes artificielles. Il faut savoir que les effets secondaires sont rencontrés dans tout médicament synthétisé au laboratoire (antibiotiques, paracétamol, etc.), c’est la résultante de l’adaptation de l’organisme humain à ces médicaments. Il est donc tout à fait normal de constater des effets secondaires après l’utilisation de la méthode artificielle chez certaines femmes.
Ces effets secondaires surviennent chez une minorité des femmes dans les premiers mois de prise de la méthode et peuvent être pris en charge par un prestataire formé en PF. Il est donc recommandé à une femme, avant d’utiliser une méthode artificielle de se rendre dans une clinique appropriée où les prestataires sont formés enfin d’évaluer leur état de santé et d’en découler l’éligibilité.
Quels sont les risques liés à la méthode contraceptive, et quels seraient les remèdes ?
Mamie Alphonse K: En générale, il n’y a pas de risque lié à la méthode contraceptive quand elle est administrée par un prestataire formé. Celui-ci s’assurera de l’éligibilité de la femme à la méthode choisie avant toute administration en lui posant des questions et en l’examinant.
Afrique, la plupart des hommes (conjoints) se désintéressent à ce sujet, l’attribuant juste à la femme. Comment changer ce paradigme ?
Mamie Alphonse K : Nous devons emmener l’homme à prendre conscience du rôle clé qu’il a à jouer dans le bien-être familial.
Il faudra l’inciter à prendre conscience des différents problèmes de santé de la reproduction et des bénéfices de son implication dans l’amélioration de ces problèmes. Il est appelé à comprendre que ces problèmes peuvent avoir des répercussions sur sa santé ainsi celle de sa famille et que son engagement à les résoudre contribuera à une vraie harmonie familiale.Pour y arriver, il faut l’impliquer davantage à travers des discussions (focus groupe des leaders communautaires et autres personnalités influentes par exemple) pour mieux appréhender l’importance et l’ampleur des problèmes de santé de la reproduction en général et de la planification familiale en particulier mais aussi à travers la sensibilisation.
Quelles sont les démarches mises en place ou déjà effectuées pour combattre cette ignorance ?
Mamie Alphonse K: La sensibilisation des hommes, des femmes et les jeunes : autour des bienfaits de la PF, des contraceptifs existants, des rumeurs sur la contraception, de la gestion des effets secondaires ainsi que des structures PF existantes ;Le plaidoyer : grâce aux organisations en vue de la mobilisation des fonds en faveur de la planification familiale ;L’organisation des campagnes d’offre des services de planification familiale : Par les différentes organisations qui viennent en appui au gouvernement comme DKT International en RDC.
Parmi les méthodes précitées, quelle est la méthode convenable pour le couple déjà marié ?
Mamie Alphonse K: L’utilisation de la méthode contraceptive dépend de plusieurs facteurs notamment le choix et l’éligibilité.Un couple marié ou pas encore peut utiliser n’importe quelle méthode contraceptive, pourvu que celle-ci soit son choix et qu’elle soit éligible (convienne à l’état de santé de la personne qui pourra l’utiliser). D’où l’importance d’un choix éclairé de l’utilisateur et d’une bonne évaluation du prestataire avant l’utilisation de la méthode.
Un mot, à l’occasion de la journée mondiale de la contraception ?
Mamie Alphonse k :La RDC demeure parmi les quatre nations à forte mortalité maternelle, néonatale et infantile au monde.
Selon MICS 2018, le ratio de la mortalité maternelle est estimé à 693 pour 100 000 naissances vivantes, les taux de mortalité néonatale, infantile, infanto juvénile sont respectivement de 28, 58 et 104 décès pour 1000 naissances vivantes.
L’utilisation des services de PF par les femmes en âge de procréer est encore très faible comme le montre les données évolutives de la prévalence contraceptive moderne, passé de 8 % (EDS 2013-14) à 18 % (MICS 6 2018) ; la même source rapporte, une forte fécondité de 6,6 enfants par femme, avec des besoins non satisfaits en planification familiale élevés à 31,2 %.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la Couverture Santé Universelle pour l’atteinte des ODD 2030, le Gouvernement de la RDC a décidé de faire de la planification familiale l’une des interventions prioritaires à haut impact et à gain rapide pour contribuer à la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile par l’amélioration de l’accès et l’utilisation des méthodes contraceptives modernes.
Cette journée est une opportunité pour aborder les conséquences de la non-utilisation des méthodes contraceptives dans d’autres domaines de la SSR notamment sur la maternité à moindre risque, les violences sexuelles et basées sur le genre, les avortements non sécurisés, Cela, dans le but de promouvoir la planification familiale, améliorer la prévalence contraceptive pour l’atteinte du dividende démographique à travers les bonnes pratiques, l’information et l’éducation des hommes et des femmes sur le gain de la planification familiale.En Afrique, ce sujet reste encore tabou.
Propos recueillis par Gloria kisenda